L’histoire commence il y a 6 mois, où toute l’équipe de Vaucluse Aventures Evasions décide de s’engager sur un raid-expédition, le Patagonian Expedition Race, le raid jugé comme étant le plus extrême et le plus dur au monde. L’épreuve commence donc en France par une préparation minutieuse du matériel et des entraînements intensifs et spécifiques.
C’est le 4 Février 2011 que l’équipe, composée de Vincent Bouchut, Thierry Cunibil, Pascal Reymond et Josiane Seguier, s’envole pour Punta Arenas au Chili, la ville la plus au sud de l’Amérique du Sud, en bordure du Détroit de Magélan et de la Terre de Feu.
25 heures de vol après, nous découvrons une ville battue par les vents, avec ses petites maisons de couleur, ses habitants accueillants…..et ses chiens errants.
Suivent 2 jours de préparations de matériel, de tests de capacité et de présentation des parcours. Au programme, 617 km de course composés de 6 sections, alliant VTT, trekking et kayak de mer.
La course démarre le 7 Février par un trajet de 8 heures en car, direction le Parc National de Torres del Paine. On finira le trajet en mini-bus, car les cars sont trop larges pour traverser les ponts. Au parc national, tous les concurrents sont accueillis par une parade de gauchos (gardiens de troupeaux) et par un immense barbecue, dévoilant les saveurs locales.
Première nuit sous la tente ou à la belle étoile pour les plus sauvages. Demain nous attend la première section de VTT.
Section 1 : VTT : 60 km
Sur la carte, rien d’exceptionnel. Surtout que dans une interview accordé aux journalistes, Thierry déclare « For us, the wind is not a problem »…. on en reparlera rapidement. Bref, on attaque par des pistes assez roulantes, avec un peu de dénivelé mais rien d’insurmontable, sauf que le vent commence peu à peu à forcir. On se retrouve vite avec un vent de face à plus de 100km/h. C’est la première fois de notre vie qu’on est obligé de pédaler dans une descente à plus de 10%, et ce qui nous attend sera pire. Vers les 2/3 de la section, nous arrivons le long d’un lac avec un visuel sur les équipes de tête. Bizarre, elles sont à pied et semblent arrêtées. On comprendra vite le problème : un vent à plus de 150km/h. Tout le monde a mis le pied à terre, en tenant le vélo qui évolue maintenant à l’horizontale à 1m du sol. Impossible d’avancer. Les journalistes présentant sur place parleront de scènes de guerre, avec tous les concurrents au sol. Pour nous, heureusement, un camion citerne s’arrête et nous permet de s’abriter sur son flan pour continuer de progresser tant bien que mal. Le vent se calme peu à peu et nous arrivons à la fin de la section VTT pour enchaîner normalement par une section kayak.
Section 2 : Kayak en rivière : 47 km
A cause du vent, le départ de la section est repoussé de 2 heures. Ce sera le dernier moment de détente de la course. Sous un soleil de plomb, l’organisation décide enfin d’autoriser la navigation. La rivière est large, sans difficulté technique, à part parfois des zones avec un fort vent de face et des creux d’un mètre. C’est la chaleur qui posera surtout problème, car il nous est imposé de porter des combinaisons étanches de survie, véritables étuves portatives. Le parcours est pimenté par un portage d’une cinquantaine de mètre pour éviter une chute d’eau de 2 m de haut, qu’on aurait aimé passer en bateau. Sur la première partie de la rivière, toutes les équipes de tête étaient au coude à coude. Nous étions même remontés à la seconde place. A cause d’un problème de gouvernail, nous avons dû nous arrêter pour réparer et c’est à partir de ce moment que les Anglais d’Adidas Terrex prennent la tête de la course. Nous sortirons à la 6ème place.
Section 3 : Trek : 73 km
La section de trek commence par un parcours longeant une rivière sur 12 km. A priori, rien d’exceptionnel, à part qu’ici on est en Patagonie, donc pas de chemin. Au programme, ce sera de la forêt primaire et des tourbières. Nous n’avions jamais pratiqué ce type de terrain et il nous faudra nous adapter rapidement. Le jeu consiste à avancer de tourbière en tourbière pour éviter la forêt vierge. Autre problème, on a constamment les pieds mouillés, mais à ce stade de la course, pas de souci, car il fait encore chaud. Nous avançons péniblement toute la nuit, jusqu’à 4 heures du matin, où nous décidons de nous arrêter deux heures car nous pénétrons dans une zone rocheuse. L’avenir nous donnera raison, puisque nous rattraperons les équipes qui n’ont pas pris de repos. Au réveil, le spectacle est fabuleux : nous nous sommes arrêtés sur le bord d’un lac rempli d’iceberg, sculptés par les éléments.
Malgré les zones rocheuses que nous passons aisément, nous arrivons au CP3.
La suite sera pimentée par quelques traversées de rivière où il faudra repêcher Jo in extremis après une glissade sur un rocher.
Nous évoluerons toujours à travers les forêts et les tourbières pendant de longues heures, avant de rejoindre le CP4 où nous attend notre ravitaillement. Nous prenons à ce niveau, une heure de repos pour bien s’alimenter et soigner nos pieds qui commencent à souffrir.
Nous repartons sous un soleil généreux à travers les collines avant de rejoindre un torrent qui descend d’un glacier. Quand nous arrivons, grande surprise, rien n’est prévu pour traverser la rivière qui se jette dans un fjord. A ce stade, nous sommes au coude à coude avec les Américains de Perdido. Tout le monde se met en caleçon pour une baignade forcée. Vincent se met à l’eau le premier, avec son sac à dos comme flotteur. L’eau à 5°C lui coupe la respiration et ce sera un calvaire pour rejoindre l’autre rive. Quant à Jo, elle se fera entraîner au large par le courant et il faudra le canoë de secours pour aller la récupérer. Thierry, lui, sortira blanc comme un linge, pas mieux que Vincent.
Heureusement, une bonne montée en crête est prévue pour nous réchauffer… enfin, c’est ce qui est prévu sur la carte. Pour ceux qui trouvent les cartes du Raid in France imprécises, après la Patagonie, vous les trouverez sensationnelles. La fameuse crête sera une succession de montagnettes, de ravines, de lacs, mais rien n’apparaît sur la carte.
Par contre, un spectacle magique nous attend : cinq condors tournoient au dessus de nos têtes en attendant leur repas : en tout cas, ce ne sera pas nous. A la tombée de la nuit, nous atteindrons le col tant convoité, pour attaquer la descente d’un canyon sans corde en s’agrippant aux arbres. A la sortie du canyon, nous continuons à progresser sur des tourbières, mais nous buttons sur un passage délicat. Avec aucune visibilité, nous décidons d’attendre le lever du jour pour continuer à progresser. Notre stratégie payera, puisque la progression de jour est deux fois plus rapide et qu’au terme de la course nous serons en bien meilleur état que les autres équipes.
Après le passage au CP6, nous longeons la rive du Fjord Worsley, avec à la clef une bonne dégustation de moules (crues) que l’on trouve sur la plage.
Nous arrivons à marcher sur la plage pendant 2 ou 3 kilomètres en enjambant de nombreux arbres tombés dans l’eau, mais la progression est assez rapide. Mais ce sera de courte durée, puisqu’une zone falaise nous barre la route. Nous sommes obligés de remonter dans la montagne pour se battre une nouvelle fois avec la forêt primaire. Les Américains de Gear Junkie prendront une option totalement différente en nageant le long des falaises en utilisant des matelas gonflables et des vêtements adaptés à l’eau froide : l’expérience des éditions précédentes leur permettra de gagner quelques heures.
Nous atteignons enfin le CP 7 à la fin de la journée. C’est un grand réconfort de voir du monde dans cette nature hostile, surtout quand un contrôleur ou un caméraman parle français.
L’objectif de cette fin de journée est d’atteindre le col suivant avant la tombée de la nuit. Nous commençons par gravir de gros rochers très abrasifs : ça fait du bien de marcher sur un sol ferme. A ce moment, nous avons l’équipe croate Ad Natura en visuel alors qu’elle a 1 heure d’avance. Nous la rejoignons en bas du col, alors qu’elle est coincée dans la falaise. Nous prenons alors une voie plus à gauche, plus glissante, mais plus facile. Pascal et Thierry grimpent comme des chamois. Vincent et Jo se languiront d’atteindre le col. Sur cette portion, la féminine d’une autre équipe décrochera sur 3 mètres : pas de mal, mais cela suffira pour leur faire abandonner la course. Le col est franchi avant la tombée la nuit. Grande surprise, par rapport à la précision de la carte : un lac d’une vingtaine d’hectares n’y est même pas marqué. Il faut savoir s’adapter et interpréter le relief. La descente vers le CP8, fin du trek se fait en partie de nuit, mais nous sommes obligés de nous arrêter à 1 km du CP car un canyon et des barres rocheuses nous barrent la route, et de nuit il est impossible de trouver un passage. De jour, ce sera plus facile de trouver un tronc d’arbre qui nous permettra de franchir le canyon.
Pour faire ce trek de 73 km, il nous faudra 2 jours et demi, soit une progression à moins d’1 km/h, moyenne honorable vu le terrain et le parcours !
Section 4 : Kayak de mer : 58 km
Nous récupérons notre ravitaillement et notre matériel au départ du kayak. Après un bon repas, nous prenons la mer sur le Fjord de Las Montanas. Malheureusement, le temps n’est pas au beau-fixe et le brouillard est assez épais. Nous avons l’impression de progresser dans l’inconnu et le spectacle nous rappelle que nous sommes pas loin du bout du monde. Le paysage reste toutefois magnifique avec de nombreux glaciers qui se jettent dans le fjord. La fin du kayak se solde par une pluie diluvienne qui ne nous quittera plus pendant trois jours. Sur cette section, nous prenons la 3ème place au classement général, après avoir doublé l’équipe croate, qui finira transie de froid faute d’avoir oublier leur cagoule néoprène.
Section 5 : Trekking : 191 km
Au départ de cette section de trek qui se présente comme interminable, la pluie continue de tomber et inonde les tourbières déjà bien humides. La température ne dépasse pas les 10°C. Nos pieds baignent dans 10 cm d’eau froide, ce qui a le mérite de les anesthésier, faute de les préserver. La progression est assez rapide (2 km/h) à travers les tourbières. La forêt primaire devient moins dense. En fin de journée, nous poserons le bivouac sur un nouveau col, sur un sol détrempé et en plein vent. Après une courte nuit réparatrice, la lueur du jour nous ouvre les portes du cheminement à suivre à travers les vallées et les zones arborées. Nous déciderons de faire une coupe qui nous a été déconseillée par l’organisation. Cette coupe ne présente guère de difficulté tout en nous faisant faire une économie de 3 km, mais nous envoie dans un marais, histoire de se tremper un peu plus les pieds. La journée sera assez monotone avec la traversée de 20 km de tourbières et de marais, ainsi qu’une dizaine de rivières avec une eau à 5°C. Nous atteignons en fin de journée le pied d’une montagne, qu’il nous faudra escalader à mains nues en se tenant aux racines, aux arbres et aux bruyères.
Encore une nuit sous la pluie, en plein vent, où il faudra attacher la tente avec la corde de secours pour ne pas qu’elle s’envole. La matinée semble identique à la précédente : encore de la pluie, encore du froid, encore les pieds pourris et mouillés, encore des tourbières inondées. Un petit changement se présente à nous : petite séance de natation à 5°C pour traverser une rivière. A la sortie de l’eau, il faudra être très fort mentalement pour se rhabiller sous la pluie et surmonter le froid. A ce stade de la course, malgré 6 couches de vêtements thermiques et étanches, à cause de la fatigue, nous n’arrivons plus à nous réchauffer. Derrière nous, les équipes déclinent une par une. Deux équipes devront être hélitreuillées pour traverser une rivière en crue. Une autre abandonne à cause d’une hypothermie, qui se terminera à l’hôpital. Après 2 jours et demi, nous atteignons le CP 10, où l’on nous annonce que nous sommes deuxième. L’équipe américaine Gear Junkie n’a jamais trouvé le CP et a continué sa route. Pour rejoindre le CP 11, les organisateurs annoncent un trajet de 5 heures, mais nous nous faisons surprendre par la nuit : obligation de poser le bivouac car la végétation est trop dense et le relief trop escarpé.
A ce moment là, nous pensons que la course pour nous s’arrête là car la porte horaire pour le CP11 est à 2 h du matin. De plus, les coutures de la tente malmenée par le vent commencent à se détendre et laissent passer la pluie diluvienne. Les sacs de couchage sont trempés. On n’a même plus le courage de faire à manger. Encore une nuit à greloter et à patauger : le moral en prend un coup.
Au petit matin, nous partons à jeun, transis de froid à travers la forêt primaire, où nous essuierons les arbres pendant 4 heures. Pour nous remplir l’estomac, nous mangerons les fleurs que nous trouvons sur le parcours.
Nous arrivons enfin au CP 11, en ayant dépassé la porte horaire. Nous ne savons pas si nous avons le droit de continuer. Un bateau nous attend, ainsi que les deux premières équipes : Adidas Terrex et Gear Junkie. Ces dernières ont demandé à l’organisation de stopper la course à cause des conditions météo exécrables et de leur mauvais état physique (tendinites, ampoules…). Ils ont peur de ne pas pouvoir arriver au bout du parcours et c’est vrai qu’il reste encore 114 km de trek : impossible de les parcourir dans le temps imparti, soit environ 2 jours. Les Croates nous rejoignent 2 heures après. Comme nous, ils sont surpris de la réaction des deux premières équipes, car ils avaient aussi calculer leur stratégie sur 10 jours de course et non pas sur 7 jours. L’organisation prend la décision de ne pas continuer sur le trek et d’enchaîner sur la section de VTT. Suit une transition en bateau, en mini-bus et en 4X4 pour rejoindre le site du départ VTT.
Section 6 : VTT : 198 km
Après quelques heures de sommeil passées dans une vieille grange, nous partons sur nos VTT en chasse derrière les deux premières équipes. L’équipe Gear Junkie, ayant manqué le CP10 prendra 10 heures de pénalité, au lieu d’être disqualifiée. Cela ne changera en rien le classement, nous arriverons donc en 3ème position sur les 15 équipes au départ (sachant que 9 ont été éliminées).
Le paysage change littéralement : nous atteignons les grandes plaines d’élevage, et retrouvons la chaleur, l’air sec et surtout un allier de taille : le vent. C’est parti pour 198 km de piste avec un vent à 80 km/h dans le dos. Il nous faudra 9h20 pour faire le parcours.
L’arrivée se passe dans le Parc de Pali Aike dans le cratère d’un volcan, après 7 jours de course.
Nous terminons cette course magnifique par une troisième place bien méritée.